Ennemis de la vigne

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Les ennemis de la vigne

Les ennemis de la vigne, parfois de véritables fléaux, sont nombreux et de diverses natures :

1 – animale,

2 – climatique,

3 – physiologique,

4 – et biologique.

Parmi les animaux, on rencontre divers prédateurs selon les régions du monde. Par exemple les étourneaux -qui vivent en bandes de milliers d’individus- sont un fléau majeur capable de ruiner un hectare de vigne en quelques heures. Aucune méthode (même les explosifs !) ne paraît capable de les intimider, et lorsqu’ils ont jeté leur capricieux dévolu sur votre parcelle, il ne vous reste plus qu’à attendre qu’ils soient repus, ou qu’une parcelle voisine leur semble plus appétissante.

Moins spectaculaires, plus sournois et dangereux, de nombreux parasites aux manifestations diverses :

1 – Les acariens, minuscules araignées jaunes ou rouges, se délectent des jeunes feuilles et du fruit. Au printemps, les acariens rouges provoquent des nécroses à la périphérie des feuilles, entraînant un jaunissement, une crispation, voire la chute des feuilles. Les acariens jaunes attaquent les grappes en formation. Les uns et les autres peuvent être à l’origine d’une faiblesse de la teneur en sucre des baies. Ils succombent aux pulvérisations de solutions cuivrées.

2 – L’altise est un insecte qui se nourrit des feuilles jusqu’à les transformer en dentelles dont les viticulteurs n’apprécie guère l’esthétique discutable.

3 – L’anguillule est un nématode, ver qui s’attaque aux racines en y formant des noeuds semblables à ceux du phylloxéra; une fois encore, le viticulteur n’apprécie pas ce travail de sape mortel pour la vigne; il le combat préventivement par le choix d’un porte-greffe résistant, ou curativement par désinfection au dichloropropane dichloropropylène (D.D.).

4 – L’érinose est une mite microscopique responsable de cloques sur les feuilles; on la combat par les mêmes moyens que l’oïdium.

5 – Les larves « tordeuses de la grappe », dûes à des papillons (cochylis, eudemis, polychronis viteana) capables de plusieurs générations (deux pour le cochylis, trois pour l’eudémis) pendant le cycle de la vigne, se nourrissent des grappes et les rendent vulnérables à d’autres maladies. Les larves de première génération attaquent les boutons floraux; au fur et à mesure de leur croissance, elles embobinent et réunissent les boutons floraux par des fils de soie (les glomérules). Les larves des générations ultérieures pénètrent dans les baies, les rendant sensibles à la pourriture grise ou acide. La lutte raisonnée met en oeuvre des pièges sexuels spécifiques à chaque papillon, afin de détecter le début du vol; puis on détermine par comptage le taux d’infestation des larves, ce qui permet de décider la nature du traitement : RCI (régulateur de croissance des insectes), ovicide, ou larvicide curatif (arsenic et DDT).

6 – La cicadelle verte, qui s’attaque à la feuille, et la pyrale, qui s’attaque aussi au fruit, sont combattues par les mêmes moyens que les larves tordeuses de la grappe.

Et d’autres en divers points du globe, mais surtout le phylloxéra

Phylloxéra : ce puceron originaire de l’est des Etats-Unis pond ses oeufs dans le bois de deuxième année : ce sont les gallicoles. La deuxième génération, radicicole, se fixe sur les racines, qu’elle attaque et détruit. Le pied de vigne, privé de ses instruments nourriciers, dépérit rapidement.
On a essayé à peu près tout, y compris de noyer la vigne; le phylloxéra résiste à tout, même aux produits systémiques (lesquels se propagent par la sève dans tout le végétal).
Seule solution : protéger les racines pour empêcher la deuxième génération; et pour cela, utiliser les Vitis américains en porte-greffe.

Les accidents climatiques incluent parfois le vent excessif et la foudre, mais le plus souvent il s’agit de :

1 – la sécheresse excessive : certes, pour obtenir du bon vin, il faut que la vigne soit obligée de chercher l’eau, si possible à plusieurs mètres de profondeur; mais elle ne doit pas manquer totalement d’eau. La survie de divers vignobles, tant dans la Central Valley californienne qu’en Amérique du sud, certaines zones d’Australie et d’Afrique du sud, dépend de leur irrigation. A ce propos, il convient de remarquer qu’aucun vignoble irrigué ne produit d’excellent vin; bien au contraire, les vignobles irrigués sont les fournisseurs de gros bataillons de vins très ordinaires;

2 – la grêle, capable en quelques minutes de hacher menu les fruits et d’anéantir le travail de toute une année (demandez aux viticulteurs du Sauternais);

3 – les gelées, plus ou moins graves selon leur intensité et le moment où elles se produisent au cours du cycle végétatif, mais capables dans le pire des cas de détruire complètement un vignoble, qu’il faut alors reconstituer de toutes pièces, comme à Cahors en 1956.

Les vignes de plaines et des bas de pentes sont frappées plus fréquemment que celles des coteaux, et certains cépages vinifères sont plus résistants que d’autres. Mais tout le monde ne peut pas occuper des sites épargnés par le gel, et la résistance au gel ne saurait être le seul critère déterminant le choix des cépages. Dans la pratique, la lutte engagée contre les gelées printanières, à l’époque où la vigne est plus vulnérable, prend deux formes : l’aspersion d’eau, ou les chaufferettes.

Accidents physiologiques :

1 – La chlorose, qui se manifeste par un jaunissement des feuilles, est dûe à une carence en chlorophylle, elle-même souvent dûe à un excès de calcium qui bloque l’assimilation du fer; des porte-greffes de Vitis berlandieri, résistants à la chlorose, offrent une solution préventive à ce problème; le traitement curatif consiste en un apport de sulfate de fer. Mais heureusement, Vitis vinifera n’est guère affecté par la chlorose.

2 – Déficiences et carences en éléments minéraux. Si les déficiences en bore (entraînant millerandage et coulure) et en potassium (dont la vigne est grande consommatrice) sont les plus fréquentes, les sols de certaines régions peuvent manquer de manganèse (sols calcaires), de magnésium, de zinc, ou d’oligo-éléments. On ne s’explique pas encore très bien le rôle des oligo-éléments, mais on sait sans l’ombre d’un doute que leur présence, en quantité infinitésimale, est indispensable à l’obtention de vins équilibrés. Le traitement semble relativement simple, puisqu’il suffit en théorie de compenser les déficiences par des apports. Cependant, on constate que les meilleurs résultats, toutes choses égales par ailleurs, sont obtenus sur des sols ne présentant aucune déficience grave.

3 – La coulure, desséchement de la fleur non fécondée ou du jeune raisin au premier stade de son développement, peut avoir diverses causes. Le mauvais temps durable en est une, car la fleur ne peut être fécondée que si elle est épanouie, ce qui suppose un minimum d’ensoleillement. Une croissance trop rapide peut être une autre cause, elle-même souvent dûe à l’inadéquation entre la greffe et le porte-greffe.

4 – Ne pas confondre la coulure et le millerandage. Ce dernier désigne la disparité de volume entre les raisins d’une même grappe, elle-même dûe à une floraison et à une fécondation incomplètes. Le millerandage est plus gênant que grave, en ce sens qu’il affecte la qualité du vin, mais ne met pas en danger la vie de la vigne.

5 – Le rougeau, rougissement des feuilles, est dû à une blessure entravant la circulation de la sève.

6 – La brunissure des feuilles traduit l’épuisement d’un pied insuffisamment taillé. Le remède est simple, à condition de ne pas être apporté trop tard.

7 – Le déssèchement de la rafle, dûe à une carence en calcium et surtout en magnésium éventuellement aggravée par un excès de potassium, atteint plus ou moins la plupart des vignobles mais plus particulièrement les vignes vogoureuses et irriguées; le traitement consiste à apporter des sels de magnésium.

Accidents biologiques :

1 – La dégénérescence infectieuse, ou court-noué, est fatale. La feuille jaunit le long de ses nervures, puis les rameaux se divisent en faisceaux tandis que la feuille se palme et prend des formes anormales. On ne connait aucun remède préventif à cette maladie virale qui se propage par le sol. Le seul traitement consiste, dès l’apparition des symptômes, à arracher les pieds atteints et ceux qui les entourent, puis laisser le sol en friche jusqu’à pourrissement des racines, tout en désinfectant le sol par des fumigations de D.D. Faute de quoi le mal s’étendrait lentement mais inexorablement.

2 – D’autres maladies virales frappent ici ou là, avec un symptôme commun : le jaunissement des feuilles le long de ses nervures. Mais les traitements diffèrent selon le vecteur du virus; lorsque le vecteur est un insecte, le traitement évident consiste à éliminer celui-ci par un insecticide suffisamment puissant, arsenic ou pesticide.

3 – De même, quelques maladies bactériennes frappent ici ou là, telles la maladie de Pierce en Californie, ou encore la flavescence dorée (vigne pleureuse). La stérilisation des outils de taille, à titre préventif, et curativement des vaporisations de solutions cuivrées sont les solutions connues. Mais si plus de 30% des pieds sont atteints, il convient d’arracher la parcelle.

4 – La pourriture noire (black-rot), dûe à des champignons, se manifeste d’abord par l’apparition de tâches grises et noires principalement sur le feuillage, puis le raisin se ride et fane. Il n’existe pas de traitement spécifique, mais on emploie des produits actifs contre le mildiou et l’oïdium.

5 – La pourriture grise est dûe à un champignon, le botrytis cinerea. Les lésions de la feuille, de couleur brun rougeâtre, apparaissent à la périphérie des limbes. Une attaque grave peut conduire à la nécrose complète du limbe et à la chute de la feuille. Les grappes peuvent être touchées avant la floraison, et se dessécher. A partir de la véraison, une pourriture molle envahit la grappe, et la couleur grise du champignon apparaît. Le mieux, pour échapper à la pourriture grise, consiste à éviter de blesser les baies lors des travaux de la vigne, et à pratiquer un effeuillage et un éclaircissage suffisant. Le seul traitement phytosanitaire possible est évidemment préventif.

6 – Parmi les autres maladies traitées par le cuivre : l’anthracnose qui trahit sa présence par de petites tâches polygonales; le rot-brun, qui s’attaque aux rameaux, sévit dans les vignobles souffrant d’hivers froids et secs, en particulier en Allemagne; le rot-blanc, qui s’en prend aux raisins et les fait éclater au moment de leur maturation.

7 – Au moins trois espèces de champignons provoquent le pourridié, qui se développe sur les bois, y compris les racines. Les racines supérieures croissent aux dépens des racines plus profondes. Les souches atteintes s’affaiblissent rapidement et périssent en deux ou trois ans. Le pourridié affectionne particulièrement les sols sablonneux proches des cours d’eau. L’humidité du sol, des sols asphyxiants, la présence de bois morts sont des facteurs propices à l’apparition du pourridié. Comme pour la dégénérescence infectieuse, on ne connait pas de traitement préventif, et la seule solution consiste à arracher la vigne, puis désinfecter le sol et le laisser en friche jusqu’à disparition du mal.

8 – L’excoriose est un champignon présent dans les sarments ou dans les bourgeons. Il provoque un affaiblissement de la souche pouvant aller jusqu’à la mort du pied. Le traitement, exclusivement curatif, est à base d’arsénite de sodium l’hiver, et de divers produits au cours du printemps.

9 – L’esca, autre maladie causée par des champignons (plusieurs espèces intervenant successivement), se traite également par l’arsénite de sodium.

Mais surtout le mildiou, l’oïdium, et -dernière en date mais non en gravité- l’eutypiose.

10 – Mildiou : ce champignon originaire d’Amérique a été découvert par Planchon en 1875. Des attaques massives se sont produites en Europe en 1915, 1977, 1983, 1988.
Le mildiou est dû au plasmopora, champignon qui épargne le Vitis labrusca mais éprouve pour le Vitis vinifera une attirance répréhensible d’autant plus forte que le temps est plus chaud et humide. Il se manifeste tout d’abord par une tâche huileuse au recto des feuilles; quelques jours plus tard, des fructifications apparaissent. Avant la floraison, il y a destruction partielle ou totale des inflorescences. Entre la préfloraison et la nouaison, un feutrage blanchâtre couvre les baies (rot gris). Après la fermeture de la grappe, des tâches brunâtres se forment sur les baies (rot brun). Tôt en saison, les rameaux peuvent subir des dégâts allant jusqu’à des crevasses.

Le mildiou perdure dans les feuilles mortes.
Idéalement, on évite le mildiou grâce à un bon drainage du sol, à des techniques viticoles adéquates (épamprage précoce, ébourgeonnage, limitation de la vigueur excessive des souches), et au traitement immédiat des foyers primaires. Le traitement préventif du mildiou est longtemps passé par les incontournables sels de cuivre : cela peut aller de la bouillie bordelaise à des produits de synthèse non nocifs, à base de dithiocarbamate, ou encore par des produits systémiques, effectifs 12 à 14 jours. Après la pluie (48 heures maximum), on procède à un traitement curatif par un produit à base de cymoxanil, qui pénètre les feuilles. Produit récent prometteur : une toxine de synthèse produite à partir d’une moisissure ennemie du mildiou

11 – L’oïdium, ou « blanc », ou encore sous son nom savant, l’insinula secator, est un autre champignon venu d’Amérique, qui se manifeste à des températures supérieures à 25°C. Un seul cep atteint suffit à communiquer au vin de toute une parcelle mauvaise odeur et goût désagréable de champignon.
Symptômes : la feuille se crispe, avec un aspect gris cendreux; des tâches grisâtres ou brunâtres peuvent apparaître sur les sarments; sur les inflorescences et la grappe, le champignon se présente sous la forme d’une poussière grise d’aspect cendreux; si l’attaque s’aggrave, la peau se déssèche et éclate.
Traitement : préventivement, le soleil est idéal, car les ultra-violets détruisent l’oïdium; la bouillie bordelaise fait le reste. Curativement, seul le soufre est efficace; de nos jours sous la forme d’IBS (Inhibiteur de Bio-synthèse de Stérol).

12 – L’eutypiose : cette maladie endémique est dûe à un champignon qui pénètre dans la souche par les plaies créées par la taille.
Symptômes : feuilles nécrosées, enroulées, déformées et déchiquetées; bois rabougris présentant une nécrose brun gris à violet de consistance dure; les grappes coulent après la floraison et sèchent pendant l’été.
Traitement : aucun traitement curatif n’a été découvert. A titre préventif, il faut désinfecter les sécateurs, et tailler le plus tard possible (à la sève montante).

Cette liste de calamités, sans être exhaustive, suffit néanmoins à illustrer cette évidence toute simple : l’obtention d’un raisin sain et mûr n’est pas un événement fortuit, mais le résultat d’une attention sans faille et de soins constants de la part du viticulteur. Encore ne s’agit-il là que des fléaux qui affectent la vigne; lorsque nous saurons tout ce qui peut arriver au moût pendant la fermentation, puis au vin pendant son élevage ou au cours de sa conservation, nous devrons en convenir : le bon vin tient du miracle !

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